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Archives 1DU
11 janvier 2008

[Review] Nuit & Brouillard Festival, CC Luchtbal, Antwerpen, 21/04/07

Cadav' :
De retour du NUIT ET BROUILLARD Festival, organisé par N*N, ainsi que Stéphane Et Sylvie, bien sûr, et aidés notamment de Chrysis, et en compagnie des très précieuses 1.V~ et J.S.Z. qui auront fait quelques centaines de kilomètres jusqu'au CC LuchtBal d'Antwerpen, magnifique théâtre doté d'un écran géant et d'environ 400 fauteuils des plus confortables, pour assister à de purs moments de bonheur, tout comme moi…
Vos impressions sur ce festival, mesdemoiselles, en commençant par LD50…?

J.S.Z. :
Je laisse la parole à 1.V~, n'ayant pas vu LD50…

1.V~ :
J'ai surtout retenu de LD50 la fabuleuse réaction en chaîne en vidéo de vingt minutes, avec l'usage de produits assez mystérieux et bizarres, et dont le grain neigeux des images s'accordait parfaitement à la performance sonore... Le malaise s'instille avec ces zooms sur un tableau de bord, et une main qui actionne des mécanismes d'autodestruction... Au-delà de ça, guère de souvenirs sur le plan musical. J'ai trouvé ça assez classique, en fait...

Cadav' :
J'ai personnellement eu le privilège d'assister à l'un des premiers concerts, également organisé par Nuit Et Brouillard en Novembre 2002, de ce groupe d'ambiant atmosphérique, qui n'a pas dû avoir beaucoup de frais de déplacements pour arriver jusqu'au CC LuchtBal. Ils n'ont pas une discographie des plus fournies : une cassette, un CD-R et surtout un CD, "21st Century Awakening", sorti chez N&B que j'aime beaucoup pour sa richesse et ses ambiances, loin d'être prétentieuses. J'ai beaucoup apprécié l'utilisation de synthétiseurs analogiques (la grosse boîte en bois remplie d'électronique qu'accompagnait le synthé Alesis…) Bref, une bonne mise en bouche avant d'attaquer Halo Manash…

J.S.Z. :
Concernant Halo Manash, je ne connaissais absolument pas avant, et j'avoue que j'ai été vraiment enchantée. On m'avait dit que ce groupe faisait de l'ambiant/rituel, je n'étais pas très motivée au début car j'ai toujours un peu de réticence pour ça. Un premier membre arrive sur scène et impose une certaine présence sur scène avec un fond sonore tout à fait adéquat, hypnotisant, imposant, froid et envoûtant. On peut déjà voir une machine à fumée plongeant la salle dans une sorte d'atmosphère assez intimiste. Puis après quelques minutes, un second membre intervient, ayant des cloches qui pendent autour du cou, et rendant le show encore plus envoûtant.

1.V~ :
Les nappes ambient dronesques rappellent à moitié un brame, à moitié un mugissement inhumain, pendant que les chamans s'affairent sur la scène et exécutent très sérieusement des rituels. En arrière-plan, la silhouette énigmatique d'une créature mi-humaine mi-cerf. Est-ce l'encens qui envahit la salle en même temps que les nuages du fumée dont les musiciens émergent ? Quoi qu'il en soit, les Finlandais de Halo Manash entrent dans une sorte de transe, contagieuse à des mesures variées au public qui soit restera légèrement dubitatif, soit adorera sans réserve, et qui culmine lorsque leur set quitte les ambiances lourdes et hypnotiques du début pour une furie, un ouragan sonore, un véritable déchaînement des forces naturelles qui aura d'autant plus d'impact pour les spectateurs qu'il seront rentrés dans le trip. Une idée s'insinue : est-ce que, dans ce pays scandinave, tous les hommes sont conscients de cette présence presque envahissante de la nature ? Une présence oppressante, menaçante parfois, comme prête à se dresser contre l'homme…

J.S.Z. :
En tous cas, oui, il est bon de souligner le fait qu'on assistait davantage à un rituel qu'à un show. C'était très mystique, et comme si le public n'était pas spectateur mais membre à part entière du rituel…

1.V~ :
C'est d'ailleurs, je crois, une des raisons pour lesquelles j'ai particulièrement apprécié ce set qui reste pour moi mon préféré, sentimentalement... J'ai souvent tendance à intellectualiser la musique, à beaucoup l'analyser, surtout au niveau des concepts, des idées qui la sous-tendent, etc. C'est pourquoi des personnes plus directes, qui n'ont pas adhéré au rituel, ont pu avoir un avis mitigé et préférer des sets plus puissants musicalement.

Cadav' :
Je pense quand même que Halo Manash, sans pour autant faire l'unanimité, ont largement rempli leur contrat et ont offert une véritable performance pour ce que l'on pouvait attendre d'une formation quasiment inconnue. Pour moi, ce fut une excellente surprise.
L'enthousiasme provoqué par Halo Manash est plus partagé en ce qui concerne VEL, projet de Danny Devos, membre fondateur de Club Moral avec Anne-Mie Van Kerckhoven. Je ne sais pas si c'est le peu de temps de préparation de ce duo, remplaçant au pied-levé Objekt/Urian, prévus initialement à l'affiche, et dont Carsten, le chanteur, a été victime d'un accident de bicyclette le mercredi prédécent, obligeant le groupe allemand à annuler sa participation au Festival pour clavicule cassée, mais j'estime que les personnes présentes y ont perdu au change, même si d'autres ont bien apprécié l'intensité de la performance de DDV, aidé par un ancien membre de dEUS à la guitare…

J.S.Z. :
VEL, deux personnes sur scène, aux déhanchés très particuliers faisant un peu penser à Iggy Pop, mais en version plus déjantée. Notons la tenue excentrique de celui qui s'occupait de la guitare : du papier cadeau scintillant autour des jambes, une sorte de poncho africain et une espèce de cagoule qui fait elle aussi penser à un masque africain... Musicalement, VEL offre un son bien noise par moments, accompagné de guitare distordue, et par-dessus le premier membre se met à gueuler de temps en temps sans déformation de la voix (du moins au début)... A un moment, je me demande quelle est cette musique pop rock qui passe... Des gens qui passent en voiture les vitres ouvertes avec la sono à fond ? Non, juste le mec habillé en africain qui passait un sample de "I love rock'n'roll"... La musique est assez hypnotisante... Que dire d'autre ?
Petite déception qu'Objekt/Urian n'aient pas joué... Ceci dit, ça a permis de découvrir VEL...

1.V~ :
La projection de photos façon Club Med Bombay m'a assez insupporté, je dois dire, me semblant totalement hors contexte, mais après tout cela était peut-être le but... Je me permets de reprendre ce que tu as dit juste après leur concert, Cadav' : une impression de facilité, entre le n'importe quoi costumé à la guitare et l'autre derrière son laptop qui avait plus l'air de vérifier ses e-mails que de gérer quoi que ce soit au niveau musical. L'arrêt de la projection des diapos de vacances, et également le changement dans la musique vers quelque chose de plus structuré, presque au même moment, a toutefois sensiblement amélioré mon sentiment par rapport à ce que VEL a produit là, mais le constat final reste le même : j'y suis restée totalement insensible.

Cadav' :
Je me dois de préciser que Danny Devos a donné son dernier concert sous Club Moral fin Août 2005 pour ensuite s'installer en Thaïlande. Le diaporama sur écran géant n'était donc que le résultat de ses souvenirs à Pataya...
Une pause d'une heure afin de reprendre ses esprits, visiter les stands des artistes présents (Hermétique, Les Nouvelles Propagandes, Kaosthetick, Nuit Et Brouillard…), discuter avec les paranoïaques présents ou anciens (Chrysis, RDoktor…) et réhydrater au houblon et à la RedBull des gosiers fort asséchés par cette chaleur précoce d'Avril. L'un d'eux mettra d'ailleurs un point d'honneur à se faire remarquer, surtout en plein concert de Minamata, et se fera expulser manu militari de la salle, mais au bout d'un temps qui me paraîtra excessivement long…
Minamata est l'une des deux formations de ce festival que j'attendais avec impatience. Là aussi, j'ai eu la chance d'écouter les sonorités plus bruyantes qui ont composé pour moitié cette performance dédiée à Tomoko Uemura, japonaise décédée vers le milieu des années 50, suite à la pollution par le méthylmercure déversé par les usines chimiques basées à Minamata.
Malgré les interventions intempestives d'un sombre individu éthyliquement bien chargé, le contraste offert entre les deux voix bilingues sur chacune des extrémités de la scène, les deux musiciennes japonaises, l'une au koto, l'autre au tambour traditionnel, et douées d'une voix magnifique, et les sonorités torturées, stridentes et industrielles de Tiburce, chef d'orchestre de ce concept musical soutenu par une vidéo des plus touchantes, m'ont tiré des larmes d'émotion sur la fin, en impliquant chaque auditeur de la salle dans la souffrance endurée par Tomoko Uemura, symbole humain de la bêtise humaine, trop souvent répétée comme un cycle sans fin.

1.V~ :
Les images d'industries polluantes et d'enfants déformés, le discours, tout concourt à transformer le son en irradiation toxique, en substance corrosive s'infiltrant partout et rongeant peu à peu nos tympans... Même si j'ai trouvé le propos final un peu maladroit et décousu au regard de la performance générale, j'ai préféré sans aucun doute les passages noise à mon sens plus puissants et évocateurs à ceux du set suivant, celui de Propergol…

J.S.Z. :
Des images violentes, associées à des bruits associés entre eux formant une musique hypnotisante de laquelle on ne sort pas indemne... Des vibrations excessives provoquant un mal-être aussi bien physique que mental... en deux mots : puissant et génialissime.

1.V~ :
Pour moi, ce set a énormément ressemblé au dernier Lynch, Inland Empire, que j'ai presque vu dans des conditions de malaise, ceci explique peut-être cela... La répétition ad nauseam des mêmes voies de chemin de fer, du même quai de métro, de manière décalée, aurait de quoi rendre le plus placide des hommes complètement épileptique. Très cinématographique (on repense à la scène finale de Lost Highway lorsqu'on voit ce plan sur un homme qui conduit et ces gyrophares de voitures de police), énigmatique, poussant à chercher un sens et une histoire là où il n'y a rien à trouver, la projection est de l'art brut, et rendrait presque parano...

Cadav' :
De mon côté, j'ai pris Propergol comme une expérience cinématographique qui m'en mettait plein les yeux et plein les tympans. Le déluge sonore et visuel poussé à son paroxysme, sans pour autant être insupportable, fut un véritable voyage dans le monde violent et intense de Jérôme N., efficacement secondé par Clément B., mais tous deux très discrets derrière leurs machines, s'effaçant pour laisser la toute puissance d'une musique et de visuels qui ont pris tout leur sens dans des conditions parfaites de salle de cinéma, grand écran et fauteuils très confortables. De surcroît, j'ai trouvé le son parfait!

J.S.Z. :
Un déchaînement de violence!

1.V~ :
Dernière ligne droite du Festival Nuit & Brouillard : Dernière Volonté.

J.S.Z. :
Il était prévu que Dernière Volonté nous jouent "Obéir et Mourir" avec quelques modifications... Geoffroy D. y a ajouté des textes, assez mal chantés... Ça ne collait pas très bien, il a d'ailleurs eu des problèmes de micro (en fait, des problèmes dus au fait que les réglages effectués par l'ingénieur du son durant les balances ont été attribués à un autre groupe). On l'a senti assez exaspéré, et rapidement il est passé à autre chose en jouant des titres présents sur les autres albums, dont "Au travers des Lauriers", "La nuit revient", "Mon mercenaire" présent sur l'EP avec Novy Svet... Ce qui manque, c'est la présence, le charisme.
L'ambiance se fait boîte de nuit pour quelques spécimens passablement enivrés se mettant à danser devant Geoffroy D. Est-ce cela qui l'a poussé à entamer une flasque de whisky sur scène ?
Jusqu'au bout, le son du micro était mal réglé. Cependant, la voix était moins mauvaise que les autres shows de DV (ceux qu'on peut trouver sur Youtube par exemple sont assez catastrophiques).

1.V~ :
J'ai pu constater que le public était constitué aux 2/3 d'artistes eux-mêmes et que c'est dû au développement de structures comme MySpace... J'ai trouvé ça très intéressant.

Cadav' :
Là dessus, je ne suis pas d'accord pour dire que c'est dû à MySpace. Ça a toujours été ainsi, je veux dire par là que cette scène n'a jamais eu besoin de MySpace pour voir les 2/3 de son public composé d'activistes.

1.V~ :
Public accoutré de manière pour le moins singulière : beaucoup de treillis noirs, quelques uniformes et une tenue de pêche en latex vert olive du plus bel effet…! Il me semblait que tu avais dit que la proportion avait beaucoup évolué depuis quelque temps... mais c'était peut-être pas toi en fait. Ou alors j'étais encore un peu sourde…!

Cadav' :
Oui, elle a malheureusement évolué dans le sens où ce sont toujours les mêmes qui viennent à ce type de concerts, et activités aidant, la proportion d'artistes et d'activistes est de plus en plus forte pour un public de moins en moins enclin à se déplacer dans l'ensemble.

1.V~ :
De manière postérieure, les bons mots n'ont pas manqué d'affluer sur cette performance : « Ils devaient jouer Obéir et Mourir, nous avons fait le contraire : Désobéir et Courir », « Indochine au pays des fafs » ou « Etienne Dachau »... « De toute façon, Derrière Violenté, c'est de la gaypop », nous martèle un Cadav' qui a pourtant usé la moitié de sa mémoire de reflex pour ce set (près de quatre cents photos, tout de même !...)

Cadav' :
C'est vrai, mais il est tellement beau, le Geoffroy dans son pantalon en cuir, qu'on en virerait sa cuti à force de le regarder! On a beaucoup remarqué le maniement de main de maître du fil de micro par Geoffroy (le pauvre au premier rang doit encore s'en souvenir) et le magnifique lancer de blouson en cuir sur l'arrière-scène, un des éléments du total look black leather du duo : en plus du pantalon moulant et du blouson « emprunté à sa copine » du percussionniste, les bottes et les gants, très mode pour le prochain régime totalitaire.

Qu'il fut difficile de quitter le CC LuchtBal après une telle soirée, et tant d'excellents concerts! Certains auraient voulu prolonger la soirée, mais néanmoins la foule se disperse et les délégations repartent vers leurs véhicules ou leurs hôtels respectifs – pour notre part, un joyeux groupe d'une douzaine de personnes rôdant sur les routes d'Anvers...
La nuit fut très courte pour certains, cidre ou conversations au sommet obligent, le petit-déjeuner généreux pour d'autres (trois oeufs et cinq doses de miel sur trois petits pains, avec deux cafés et deux jus de fruits, me dit-on !...), et dans l'après-midi, chacun repart de son côté avec tous ces souvenirs en tête...

Nous avons appris dans les jours suivants que le nombre d'entrées avait atteint le seuil de rentabilité et permettait ainsi aux organisateurs de commencer à préparer le prochain événement. Excellente nouvelle, et encore un grand merci à N*N et aux organisateurs!

La présentation des groupes et du festival, avec les liens vers leurs sites et des extraits mp3
Quelques extraits vidéo des sets de Minamata et Propergol à cette adresse
De la même façon, des extraits de la performance filmée de Minamata sont diffusés sur leur site et un DVD devrait sortir paraître, ainsi que la vidéo support de Propergol (site).

Vivement la prochaine, prévue en Septembre 2007 avec un festival Tesco Organization sur deux jours, cette fois-ci !

- Cadav-55778, J.S.Z.-88604 & 1.V~-19937

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