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11 janvier 2008

[Cinéma] Inland Empire

Dans une salle noire, le rai de lumière d'un projecteur, puis le grésillement d'un vynile parlant de tubes en vogue dans les régions baltes. Une scène floue et floutée dans un hôtel obscur aux décors de stuc. Une sitcom parlant de lapins... Puis Laura Dern, au brushing impeccable, dans une maison remplie de domestiques polonais et d'un mari inquiétant. Un film sur lequel l'ombre angoissante d'une tuerie plane. Puis la réalité commence à s'effilocher... L'intrigue d'Inland Empire doit être l'intrigue la moins résumable de l'histoire du cinéma (si tant est qu'il y en ait une). Attention : Cet article est susceptible d'en révéler une grande part et comporte des suppositions quant au sens du film. Si vous souhaitez voir Inland Empire avec l'esprit vierge et innocent et des yeux neufs, restez-en là !

"Un truc", dixit la lapidaire et laconique formule de l'Express. Un "calvaire de trois heures" pour les Cahiers du Cinéma. Le dernier cauchemar de Lynch, après un Mulholland Drive unanimement acclamé, semble laisser un bon nombre d'aficionados dans la perplexité. Et pour cause : autant il était relativement simple, après quelques jours d'intense brainstorming tout du moins, de "sentir" quelles obsessions poursuivaient les personnages de Mulholland Drive et Lost Highway (l'amour fou et déçu, contrarié, de la blonde Diane dans l'un ; l'impuissance de Fred Madison, physique d'un côté, mais aussi son impuissance à posséder la femme qu'il désire et qui lui glisse entre les doigts pour l'autre... ou de la façon dont chacun interprétera), autant Inland Empire semble casser un schéma devenant soudain bancal et déséquilibré.

Plus de sensualité dans Inland Empire, plus de glamour, plus de strass ; dès les premiers plans dans la maison de Nikki Grace, malgré son statut de star du cinéma en devenir, on plonge en plein bad trip, sentiment accentué par le grain de la caméra DV et les zooms frénétiques et oppressants sur les visages des personnages. Le discours de l'étrange voisine, Grace Zabriskie, est d'emblée complètement décousu, fait référence à des événements et des lieux que l'on pense voir apparaître par la suite, mais qui n'arrivent pas, ou d'une façon totalement distordue. Et Nikki Grace, "up for a role" apparaît vide, artificielle, mécanique, un ersatz des blondes voluptueuses et fascinantes qui avaient habité les précédents opus, la destroy Laura Palmer, Betty/Diane et l'insaisissable Alice de Lost Highway. Quasiment un simulacre, une carcasse vide de personnage qui joue une multitude de "rôles à Oscar" à la fois dans une intrigue "ineffable" qui lui échappe complètement.

Et que dire de la brune ? A chaque fois, elle avait été le pendant de la blonde, dans des relations de désir, d'envie ou de fantasme. Rien de tout cela dans Inland Empire. La brune cette fois ne fait que pleurer en regardant les déboires de Nikki et de ses nombreux avatars à la télévision, où passent d'absurdes sitcoms dans lesquelles jouent des lapins. Elle dérive entre la Pologne des années 20 et celle d'aujourd'hui, sans aucune raison apparente, si ce n'est la très vague mention du film original dont Nikki tourne le remake. Aucune sensualité non plus dans le baiser qu'elles échangent finalement, contrairement à celui esquissé par Laura et Donna dans Twin Peaks. Justement, plus les avatars de la blonde se multiplient, plus ils semblent se dissoudre et perdre tout existence, toute réalité. A la fin ne subsistent que de vagues images superposées de la même femme dans de multiples réalités, sans aucune identité réelle. Seule la brune reste dans un happy end qui tombe comme un cheveu sur la soupe à la fin des trois heures.

Pour parler franchement, j'ai dû rire nerveusement plusieurs minutes au moment où les lumières se sont rallumées. Précédemment, on pouvait connecter la quasi-totalité des éléments à un même réseau de sens ; si tous n'avaient pas de nom, on ressentait confusément la pièce du puzzle qu'ils représentaient. Ici, on parvient à grand-peine à relier une moitié des élements (l'absence et la tromperie) et le reste se noie dans un océan de nonsense à la limite du grotesque (peut-être est-ce l'abandon de l'image lisse et glacée des précédents opus qui donne cette impression ? Ou Lynch joue-t-il délibérément à briser en menus morceaux le rêve hollywoodien patiemment démantibulé dans Mulholland Drive, mais sans s'embarasser cette fois de quelconques préliminaires ?). Lynch n'a jamais été aussi difficile à comprendre, et son cinéma n'a jamais été aussi difficile à saisir. Ou bien il est plus difficile de déterminer s'il y a vraiment quelque chose à comprendre... Pied-de-nez au cinéma ?

"During a conversation between David Lynch and Laura Dern, Laura mentioned that her husband was from the Inland Empire (an area east of Los Angeles County, including Riverside and San Bernadino County). Lynch confesses he stopped listening to what she was saying because he loved the sound of the words "Inland Empire", and finally decided on these words as the title of his movie because "I like the word inland. And I like the word empire."" (Source : Internet Movie Database)

- 1.V~-19937

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